Dépeignant le quotidien d’une famille d’apiculteurs, Alice Rohrwacher porte un regard chaleureux sur un choix de vie que d’aucun qualifierait de marginal. Ce faisant, elle aborde en pointillé et avec une grande justesse des thématiques fortes comme l’éveil à soi tout en portant un regard critique sur le devenir de la société. Insufflant un cachet naturaliste au film, la réalisatrice italienne séduit par la simplicité et la candeur de son approche. Et LE MERAVIGLIE (Les merveilles) porte admirablement bien son titre.
« Certaines choses ne peuvent pas s’acheter »
Gelsomina vit avec ses parents et ses trois jeunes soeurs dans une ferme vétuste. Contrainte de mettre ses installations aux normes et menacée d’expulsion, la famille noue les deux bouts comme elle le peut. La mère, Angelica, s’occupe des récoltes, le père, Wolfgang, est apiculteur. Gelsomina et Marinella, la plus grande de ses soeurs, les aident ; la seconde se débinant dès que l’occasion – et elles sont nombreuses – se présente. L’arrivée de Martin, un jeune délinquant que Wolfgang accueille pour toucher des allocations, et l’excitation suscitée par un jeu télévisé dont le tournage a lieu dans la région bouleversent Gelsomina.
Alice Rohrwacher dépeint avec brio la réalité de la cellule familiale dont elle révèle au fil des interactions, dans un mouvement verisimilaire, le caractère et les interrogations de chacun de ses membres. D’entrée de jeu, happés dans leur quotidien, les protagonistes se révèlent : à la force de caractère de Gelsomina répond l’infantilité dont joue Marinella ; à la singularité de la personnalité de Wolfgang répond une certaine lassitude de la part d’Angelica… Par touches successives et purement impressionnistes, c’est une pluralité de portraits naturalistes qui prennent forme et qui se veulent enchanteurs.
Sur une base réaliste, presque documentaire tant elle épouse l’énergie de chacun des membres de la famille – même si Gelsomina apparaît centrale –, Alice Rohrwacher construit un film d’autant plus brillant que jamais son écriture, tant d’un point de vue scénaristique qu’esthétique, ne transparaît. Pourtant, il condense, sous ses airs parfois simplistes, une multitude d’enjeux et de vérités – au regard de la personnalité et de l’âge de chacun des personnages – un dialogue s’inscrivant également entre les époques. Et la magie du film réside dans son caractère métaphorique : les abeilles dont prennent soin Gelsomina et son père ne sont-elles pas les garantes de toute vie ?
La sensibilité de la réalisation est totale : au grain et au volume de la photographie répond l’acuité d’Alice Rohrwacher à diriger ses comédiens tous plus lumineux les uns que les autres.
LE MERAVIGLIE
Les merveilles
♥♥(♥)
Réalisation : Alice Rohrwacher
Italie / Allemagne – 2014 – 110 min
Distribution : ABC Distribution
Comédie dramatique
Cannes 2014 – Competition Officielle
Film Fest Gent 2014 – Séance spéciale
Mise en ligne initiale le 18/05/2014